Le regroupement et l’internationalisation des mutuelles face à la concurrence

    Reposant sur un système non lucratif, les mutuelles sont pourtant aujourd’hui soumises aux aléas du marché, et s’organisent pour affronter les IP mais surtout la poussée des assureurs et bientôt des bancassureurs en santé individuelle.

    Si elles sont encore majoritaires sur les contrats individuels santé, les mutuelles se voient de plus en plus bousculées par les assureurs et les institutions de prévoyance, qui jouent du coude pour s’imposer. Si les mutuelles restent des poids lourds du secteur de la complémentaire santé avec 56% des parts de marché, elles sont paradoxalement les moins adaptées au marché concurrentiel.

    Avec leur 27% les assureurs progressent sur le marché de la santé, tandis que les IP détiennent 17% des parts, en très grande partie sur le marché de la santé collective. Et avec 93% des français qui détiennent une complémentaire, les marges de progression sont faibles. Sur ce marché hyperconcurrentiel, c’est bien au détriment des mutuelles que les lignes risquent de bouger.

    Encore marginaux, les bancassureurs progressent en santé individuelle

    Les bancassureurs, qui commencent à grignoter des parts du gâteau, inquiètent également. « Leur évolution est lente mais progresse, au dépend des assureurs eux-mêmes » déclare Jean-Martin Cohen Solal. Cyrille Chartier-Kastler, président de Facts&Figures, confirme : « Les bancassureurs sont encore marginaux sur le marché de la santé individuelle mais ils y vont tous ».

    Facts & Figures estime le chiffre d’affaires des bancassureurs en santé individuelle fin 2010 à environ 950M d’euros. Soit environ 3% du marché global de la complémentaire santé (individuelle et collective), et  4,8 % du marché de la complémentaire santé individuelle. « Les plus dangereux sont la Banque Postale qui s’est lancée sur le marché en joint-venture avec la Mutuelle Générale avec un plan de croissance ambitieux, et le groupe BPCE (Banque Populaire – Caisse d’Epargne. »

    Les mutuelles restent les acteurs les plus spécialisés en santé

    Si la santé reste accessoire pour les assureurs en ne représentant que 7 à 8% de leur activité, elle l’est beaucoup moins pour les IP à 45% de leur activité. Les mutuelles restent néanmoins les mieux placées sur la santé qui lui consacre 85 à 90% de leur activité.Les mutuelles 45 se partagent aussi le gâteau avec les mutuelles du Gema.

    La différence est réglementaire « mais il ne faut pas exagérer cette différence, déclare Jean-Luc de Boissieu, secrétaire général du Gema, dès lors que les deux familles sont soumises aux exigences réglementaires. » La répartition d’activité se déploie plutôt quant aux spécialités : là où les mutuelles 45 sont plutôt spécialisées en personnes, les mutuelles d’assurance se situent plutôt sur le dommage et la vie.

    « La concurrence des prochaines années sera de plus en plus vive en santé et prévoyance »

    Un champ d’activité qui est donc plus large pour les mutuelles du Gema que pour la mutualité. Les sociétés d’assurance sont néanmoins à la peine en vie et en dommages et progressent moins vite sur les 6 premiers mois de l’année 2012 qu’en2011. « La concurrence des prochaines années sera de plus en plus vive en santé et prévoyance » confie M. de Boissieu.

    Depuis quelques années, la tendance est au regroupement. En mai 2011, les quatre mutuelles de fonctionnaires (MNT, MNH, MGET et MAEE) ont créé avec la MGEN le groupe Istya. Et ça marche puisque Istya est aujourd’hui le premier groupe de protection sociale français avec plus de 6,5 millions de personnes couvertes. Les sixième et septième mutuelles du groupe arriveront en 2012 et 2013.

    Le mouvement se poursuite avec l’internationalisation. La MGEN a ainsi créé l’an dernier sa filiale portugaise Europamut tandis qu’Harmonie Mutuelles a lancé en 2010 la Société coopérative européenne (SCE) Fondo Salute, avec la mutuelle italienne Cesare Pozzo. Car l’Europe pourrait bientôt offrir de nouvelles perspectives.

    Bientôt une mutualité européenne ?

    A l’heure actuelle, l’Europe reste peu adaptée au mutualisme. Un statut commun dans l’Union Européenne pourrait néanmoins bientôt voir le jour, comme c’est déjà le cas pour les coopératives depuis 2003. « Le mouvement mutualiste se renforce dans le monde » selon Jean- Martin Cohen Solal, pour qui l’évolution est donc normale, mais pourtant pas gagnée d’avance. « On espère que ça va se mettre en place. La mutualité a besoin de devenir transfrontalière pour que se développe en Europe le modèle non-lucratif qui est le plus pertinent en terme de santé ».

    Afin de promouvoir un grand marché de la santé, l’Union européenne, en adoptant une définition économique et non pas juridique de l’entreprise, considère ainsi les mutuelles comme une entreprise, soumises aux règles de la concurrence mais aussi prudentielles. Le champ de la protection sociale s’est donc considérablement modifié.

    Le regroupement et l’internationalisation est donc la solution pour mutualiser les moyens et consolider leur modèle économique, afin de répondre aux questions de solvabilité et s’ouvrir à la concurrence. Et pouvoir se confronter directement avec des assureurs tels que Groupama ou Axa, qui ont déjà pris de l’avance.

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