Le défi des mutuelles en 2012 : s’imposer comme régulateur du système de santé

    Au-delà de la prise en charge des remboursements complémentaires, les mutuelles doivent s’imposer comme un acteur incontournable du débat public, en étant force de proposition dans la maîtrise des dépenses de santé. Les implications politiques du nouveau gouvernement n’y sont pas étrangères.

    Complémentaires du régime général qui représente aujourd’hui plus que 55% des remboursements de santé,  mais aussi offreurs de soins, les mutuelles 45 constituent un acteur de taille afin d’intervenir comme défenseur d’une protection sociale, accessible à tous, tout en étant force de proposition dans la maîtrise des dépenses et des coûts qui restent à charge.

    Si elles considèrent avoir été fragilisées en 2011 par les mesures fiscales, les mutuelles espèrent retrouver tout leur poids dans le débat public, portées par le nouveau gouvernement. « Nous avions constamment le sentiment que le gouvernement était en guerre contre les mutuelles » déclare Jean-Martin Cohen Solal, directeur général de la Mutualité Française. Signe d’un avenir qui s’annonce peut être meilleur, le nouveau gouvernement a souhaité faire un signe en direction des mutuelles et la Mutualité française a été reçue mardi dernier par Jean-Marc Ayrault.

    La Mutualité reçue par Jean-Marc Ayrault

    La Mutualité attend en effet beaucoup du nouveau gouvernement et veille au bon déroulement des promesses de campagne du candidat devenu Président, reçues comme une feuille de route. « Nous attendons que le gouvernement suive ses engagements de campagne », rappelle M. Cohen Solal. Et le premier projet est déjà sur la table.

    Alors que François Hollande avait promis une réforme du financement de la protection sociale, Marisol Touraine, ministre de la Protection Sociale et de la Santé, a évoqué la nécessité de « réformes de structure », touchant au financement de la santé. De nouvelles recettes sont prévues notamment grâce à une contribution des revenus du capital et des stock-options. Ces deux mesures renfloueraient le caisses respectivement 800M et 75M d’euros. « Pour que ce ne soit pas simplement le travail qui vienne alimenter notre protection sociale », a récemment déclaré Mme Touraine.

    Parmi les autres mesures annoncées, le taux de prélèvement du forfait social passera de 8% à 20%. Il s’applique notamment à l’intéressement, la participation ou l’abondement de l’employeur aux versements au plan d’épargne entreprise et devrait rapporter  550M d’euros. La taxation des revenus immobiliers des non-résidents devrait produire quelques 50M d’euros supplémentaires.

    Une façon de rendre pérenne le système de santé en déficit selon le gouvernement. Résultat, le montant du déficit de la Sécurité sociale devrait s’élever à 14,7Mds d’euros en 2012, contre  17,4 Mds en 2011. Le déficit de la branche maladie atteindrait pour sa part 6,7Mds d’euros cette année.

    Le droit de conventionnement : solvabiliser la demande

    Un autre combat, et pas des moindres : « Les mutuelles demandent d’avoir le même droit de conventionnement que les autres complémentaires santé », déclare M. Cohen Solal. L’Europe interdit en effet aux mutuelles de pratiquer des remboursements différenciés au nom de la concurrence. La proposition de la loi dite Fourcade rétablissait ce droit en modifiant le code de la mutualité, mais la disposition a été supprimée par le Commission des Affaires sociales du Sénat.

    Le conventionnement ne fait néanmoins pas que des adeptes et des études ont montré que les prestations des réseaux de soins n’étaient pas toujours, selon les assurés, à la hauteur de celles réalisées en dehors. La légitimité de conventionnement des mutuelles avait également été remise en cause par un arrêt de la Cour de cassation qui estimait que les conventionnements portaient « préjudice aux patients », en conduisant « à une dégradation de la qualité et de la prise en charge ».

    La contractualisation reste néanmoins un moyen d’intervenir dans la maîtrise des dépenses. Le patient conserve sa liberté d’arbitrer entre une prestation à moindre coût ou s’adresser au professionnel de son choix, hors conventionnement. La démarche de la Mutualité reste fondée sur une volonté de solvabiliser la demande, notamment en dentaire et optique.

    Le Président avait également déclaré qu’il reprendrait les négociations sur les dépassements d’honoraire, un débat qui a agité le milieu de la santé. 34,75% des médecins, toutes spécialités confondues, appartiennent au secteur 2. Les dépassements d’honoraires réalisés par les médecins libéraux se chiffrent à 2,5Mds, dont un tiers est pris en charge par les complémentaires. Dans la perspective d’un secteur optionnel, les mutuelles et autres complémentaires prennent en charge la totalité. « Il suffirait qu’elles prennent en compte les deux autres tiers », a ainsi estimé le Dr Jacques Meurette, vice-président du syndicat des médecins libéraux. Soit une prise en charge supplémentaire de 5,4%.

    Faire entendre la voix des mutuelles

    Dans ce sens, « l’option de coordination renforcée » a été créée en mars dernier par un décret accompagné d’un arrêté du précédent ministre, Xavier Bertrand. Elle permet des dépassements jusqu’à 50% pour les spécialistes de bloc opératoire, pris en charge par les complémentaires. Le débat doit reprendre le 25 juillet. Autour de la table seront présents les syndicats de médecins libéraux, les complémentaires santé (Unocam) et tous les régimes d’assurance maladie (Uncam). Et l’on sait à quel point ces négociations finissent souvent par accoucher, dans la douleur… d’une souris. La tutelle ministérielle a pris ses dispositions, indiquant que des mesures législatives pourraient intervenir si aucun accord n’était trouvé avant octobre.

    Si l’on sait déjà que le syndicat des médecins libéraux n’entendent pas réclamer la prise en charge totale des dépassements par les complémentaires, Etienne Caniard, président de la Mutualité invite de son côté à prendre en compte les métiers et conditions d’exercice des médecins pour remédier aux dépassements d’honoraires. Soit une approche différenciée des médecins qui restent des professionnels soumis à la loi du marché et à la concurrence.

    L’enjeu est donc pour la mutualité de retrouver une voix dans le débat public et de peser dans les négociations. « Nous attendons de 2012 qu’on écoute la voix des mutuelles, que le gouvernement cesse de nous fragiliser et de pouvoir ainsi construire, en bonne intelligence avec l’assurance maladie, un système de santé qui s’organise autour d’un parcours de soins solidaire et responsable », déclare Jean-Martin Cohen Solal. Et la crise actuelle est envisagée par les mutuelles comme une opportunité.

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