Claude Martin est directeur de recherche au CNRS, spécialiste des politiques sociales et de la dépendance
Quels enjeux soulève la question de la dépendance ?
La société française est confrontée à un défi démographique lié à l’augmentation de l’espérance de vie. Même si vivre plus vieux ne veut pas dire que l’on devient automatiquement dépendant, nous allons être de plus en plus nombreux à être confrontés à la perte d’autonomie. Il s’agit de savoir comment répondre à ce problème. Comment financer une aide qui concerne le quotidien et qui ne se résume pas exclusivement à une prise en charge par le système de santé ? Quelle réponse les assureurs peuvent-ils apporter au-delà de l’offre actuelle? L’autre défi concerne les aidants, en particulier les femmes. Elles sont les premières touchées par la perte d’autonomie car elles vivent plus longtemps que les hommes. Mais surtout ce sont aussi souvent elles (épouses ou filles) qui apportent l’aide quotidienne. Il s’agit pour elles de s’occuper de leurs proches tout en travaillant. Quels moyens peuvent être mis en place pour les soutenir ?
Quelles réponses apporter face à ce problème ?
En France, la réponse a été tardive. En 1997, on a créé la Prestation spécifique dépendance (PSD). Elle a été très critiquée car elle s’adressait uniquement aux personnes les plus pauvres et les plus dépendantes. Avec l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), on est passé de 150000 bénéficiaires à plus d’un million aujourd’hui. C’est une prestation universelle calculée en fonction du niveau de dépendance et du niveau de ressources qui permet au bénéficiaire de se procurer des services. C’est donc un compromis assez habile qui a été mis en place en France. Mais la difficulté aujourd’hui c’est de la financer. Les projets de reforme annoncée prévoient de compléter ce dispositif par de l’assurance privée. Le tout est de savoir à quelle hauteur et selon quelles modalités. Pour ma part, je défends l’idée qu’il faut un niveau important de couverture publique car un système assuranciel renforcera les inégalités.
Quels sont les modèles qui fonctionnent dans l’Union européenne ?
En Allemagne, une assurance dépendance obligatoire a été créée : elle est financée sur les cotisations salariales (des employeurs et des travailleurs). En Scandinavie, il existe un service public de prise en charge de la dépendance financé par les impôts (locaux et nationaux) et géré par les municipalités. Chaque système évolue vers un système mixte entre ces différentes variantes.
En partenariat avec l’OCIRP
