Dossier : Les mutuelles doivent-elles nécessairement aller vers la diversification métier ?

    Prévoyance, dépendance, assurance de prêt, IARD… Le monde mutualiste peut-il se diversifier à gré ? Ou est-il cantonné à graviter autour du secteur de la santé ?

    L’avenir des mutuelles dites 45 est pour le moins incertain. Le marché santé individuel qui est leur cœur de métier, va subir un profond changement avec le passage de l’article 1 de l’ANI et la généralisation de la complémentaire santé pour tous en entreprise.

    Attendre pour mieux anticiper ?

    En effet, ce n’est pas une surprise, une bonne partie des portefeuilles individuels va être transférée vers le collectif. Pour survivre sur un secteur assurantiel très concurrentiel et tendu, les mutuelles doivent-elles se diversifier ? Les avis des experts et mutualistes divergent sur ce sujet.

    D’un côté, il y a les irréductibles. “Le sujet de la diversification part d’un présupposé que sont les ravages que pourraient causer l’ANI”, explique Jean-Louis Span, président de l’ADPM. “Je rappelle que tout n’est pas encore joué. Le Conseil constitutionnel a été saisi sur l’article 1 de l’ANI et j’attends qu’il se prononce sur les clauses de désignation. Une fois l’avis du Conseil constitutionnel rendu, nous verrons ce que nous ferons”.

    “Nous ne pensons pas qu’il faille faire tout et n’importe quoi, comme les banques qui se sont diversifiées dans l’assurance. Il me semble que la diversification ne doit pas nuire à la cohérence”, renchérit Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des Mutuelles de France (FMF). Pour autant, le président de la FMF n’est pas opposé à une diversification métier sur la prévoyance ou sur la retraite. “Nous pouvons nous diversifier sur tout ce qui concerne l’assurance à la personne”, poursuit-il.

    Se diversifier, oui mais pas sur l’épargne

    D’autres sont plus enclins à ouvrir leur horizon comme Maurice Ronat, président de la FNMI. “Cela fait quinze ans maintenant que je dis que les mutuelles ne peuvent pas rester sur le créneau mono-produit. A mon sens, en ce qui concerne la diversification métier, il faut évidemment se placer sur la prévoyance et ne pas délaisser les opportunités de collaboration sur l’IARD. En revanche, les mutuelles ne doivent pas aller vers les produits financiers car ce n’est pas leur métier et parce qu’elles ne sauront, peut-être pas, proposer les bons produits.

    De plus, l’épargne est un métier déficitaire et à fortes économies d’échelle. Il faut avoir une taille très importante pour être un gestionnaire d’actifs qui arrive à dégager quelques marges. Pour autant, “une mutuelle peut être conceptrice de services sur ce marché ou intermédiaire, et dans ce cas là, elle pourrait utiliser son capital sympathie pour aider les adhérents à faire les bons choix. L’avantage d’être un intermédiaire est que la mutuelle porte zéro risque“, explique Olivier Arroua, associé du cabinet Selenis.

    Une chose est certaine, les mutuelles ne doivent pas négliger la prévoyance. Elles vont devoir monter en gamme en ce qui concerne ces produits afin de les rendre plus attractifs.  “Il ne faudra pas non plus négliger la dépendance“, poursuit Olivier Arroua.

    Assurance de prêts ?

    Les mutuelles vont aussi devoir attaquer d’autres marchés sur lesquels il y a des marges importantes à faire. “Ceci permettrait aux mutuelles de faire leur métier, moins cher et de manière plus solidaire, tout en générant des marges. Marges qu’elles vont perdre sur la santé du fait de l’ANI. Elles pourraient se mettre à l’assurance emprunteur, qui est un marché rentable et sélectif“.

    Comme le rappelle Céline Blattner, actuaire associée chez Actuaris et responsable du pôle prévoyance et santé, la diversification produit va dépendre de la stratégie adoptée par les mutuelles. En effet, si certaines décident de se rapprocher de plus gros groupes, elles pourront rester uniquement sur le créneau de la santé.

    “Pour celles qui veulent rester autonomes, il y aura un besoin de diversification, à moins qu’elles soient sur une niche et qu’elles pensent que leur portefeuille puisse continuer à croître. Elles vont sûrement s’orienter vers de la prévoyance, de la dépendance ou d’autres produits, en tant qu’assureur ou distributeur. Il ne faut pas sous-estimer le coût d’investissement pour pénétrer sur ces marchés qu’elles ne connaissent pas. Ensuite, il y a le cas des mutuelles qui décident de se rapprocher d’un groupe paritaire ou mutualiste. Elles peuvent rester sur leur cœur de métier et se concentrer sur les populations qui ne rentrent pas dans l’ANI“, commente Céline Blattner.

    Que pensez-vous du sujet ?