Complémentaires : Accusées, levez-vous !

    Dans un rapport publié fin août, le think thank Terra Nova formule des propositions novatrices pour réguler le secteur de l’assurance santé. Pas au goût des intéressés.

    Terra Nova n’a pas failli à sa réputation « d’empêcheur de penser en rond ». La boîte à idée du PS a rendu public en août un rapport qui vise à « réinventer le système de santé » à travers une trentaine de propositions. Objectif : favoriser un meilleur accès aux soins, alors que 15,4% des français ont renoncé à se soigner pour raisons financières l’année dernière.

    Dans le viseur de la fondation progressiste, les complémentaires santé. Bénéficiaires du désengagement graduel de la Sécurité sociale en matière de soins courants, elles ont assumé 13,7% des dépenses médicales en 2011, soit une hausse de 0,2 point par rapport à 2010. Une « privatisation larvée » de l’Assurance maladie néfaste pour Terra Nova, qui juge le fonctionnement des complémentaires « opaque » et « mal régulé ».

    La segmentation, nouvelle forme de sélection des risques

    Le marché de l’assurance santé se caractérise en effet par une « dégradation progressive de la mutualisation des risques entre malades et bien portants », note le rapport. En cause, une pratique répandue chez les assureurs : la segmentation. Des produits de plus en plus différenciés sont aujourd’hui proposés aux assurés. Une stratégie qui « permet de définir des groupes d’affiliés avec des niveaux de dépenses homogènes, réalisant de facto une sélection des risques et une tarification selon l’état de santé », souligne le rapport. Le tout sans recueillir la moindre information médicale auprès des assurés. Une manière habile de ne pas perde la qualité de contrat solidaire, ainsi que les aides fiscales et sociales afférentes.

    Longtemps réservée aux sociétés d’assurances, la pratique gagne du terrain et touche désormais les mutuelles. « Ce phénomène s’explique par l’évolution législative, qui rapproche le code de la mutualité du code des assurances ainsi que par une concurrence accrue entre les acteurs du secteur », plaide Fabrice Henry, trésorier général de la MGEN, qui n’a pas cédé aux sirènes de la segmentation. Contactées par nos soins, certaines compagnies reconnaissent réfléchir à cette problématique, sans plus de précisions.

    Rendre l’assurance complémentaire obligatoire

    Commercialement judicieuse, la pratique est socialement inacceptable selon Terra Nova, des lors qu’elle conduit à la désaffiliation des plus modestes.
    Ils sont ainsi 6% de Français à vivre sans couverture complémentaire. Le think thank plaide donc pour l’instauration d’une « assurance complémentaire obligatoire ». Elle interviendrait en complément de remboursements déjà en partie acquittés par la Sécurité sociale. Surtout, elle reposerait sur « un contrat standard, dont le caractère unique éviterait la sélection des risques ». Elle s’accompagnerait d’une « assurance supplémentaire », facultative et non unique.

    Une proposition qui laisse Fabrice Henry perplexe : « Qui définira le panier de soins relevant de l’assurance obligatoire ? Les complémentaires auront t-elles leur mot à dire ? Comment s’assurer que l’obligation d’assurance sera respectée ? Qu’en sera-t-il de la libre adhésion et de la gouvernance ? ». Pour le trésorier général de la MGEN, la vraie question réside dans « l’articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaire ».

    Justement, Terra Nova n’est pas avare de propositions en la matière. Allant à rebours du discours dominant, la fondation prône « une augmentation du taux de couverture de la Sécurité sociale sur le modèle du régime existant en Alsace-Moselle », qui revient à une sorte de nationalisation de l’assurance complémentaire. Etendre le régime d’Alsace Moselle pour faciliter l’accès aux soins ? Fabrice Henry est sceptique et invoque la spécificité de la situation locale : « L’Alsace-Moselle est une région particulièrement exposée aux dépassements d’honoraires. L’évolution du reste à charge ne montre pas de diminution significative. Tout en améliorant le taux de remboursement du tarif sécurité social un tel système peut inciter les médecins à augmenter leurs tarifs, car il ne porte pas sur les tarifs pratiqués. Attention à la fausse-bonne idée ».

    La TSCA, une taxe en sursis ?

    En tout état de cause, l’avenir s’annonce sombre pour les assurés modestes. Le relèvement à 7% de la taxe sur les contrats solidaire (TSCA) en 2011, alors que les contrats classiques sont frappés d’une taxe de 9%, laisse craindre le pire : une hausse du montant des cotisations, c’est certain. Mais également un retour des questionnaires médicaux ? « Le différentiel entre les deux taxes est si faible que la question peut se poser, quelques mutuelles ont franchi le pas en envisageant d’abandonner les “contrats responsables” » avance Fabrice Henry, même si le phénomène reste marginal.

    Pendant la campagne électorale, le candidat Hollande avait promis d’ « annuler une partie de la TSCA ». La lutte contre le déficit public risque de porter un coup fatal à cette promesse. Le 9 septembre, le Président de la République a annoncé 10Mds d’impôts supplémentaires pour les entreprises. Difficile dans ces conditions de renoncer, même partiellement, à une taxe qui rapporte 2,2Mds d’euros par an à l’Etat.

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