Attention, chantier(s) en cours !

    Sans parler des récentes évolutions, il apparaît de plus en plus clair que le secteur français est en plein effort de préparation à la mise en place de Solvabilité 2. Son niveau de préparation, reste très… hétérogène.

    « La dernière enquête avait montré une certaine hétérogénéité dans le niveau de préparation selon la nature des organismes, selon leur taille ou les risques qu’ils portent. Nous avons encore une disparité aujourd’hui, mais tout le monde est bien convaincu qu’il faut s’y préparer, qu’il faut avoir lancé une réflexion, qu’il faut avoir mis des moyens dedans. Le discours des organismes est plutôt un discours constructif » détaillait ainsi Romain Paserot, de l’ACP, lors de la présentation du prochain questionnaire envoyé cet été au secteur (lien).

    Pour les consultants qui gravitent autour des assureurs, assureurs mutualistes, mutuelles ou IP, le constat est souvent le même. La préparation dépend de beaucoup de facteurs.
    « Tous les assureurs généralistes ont engagé des travaux, mais le niveau d’engagement et le niveau d’avancement sont très variables d’une entreprise à l’autre » pour Patrick Girard, associé en charge du Management consulting Assurance et services financiers chez KPMG, « car ils ne l’ont pas tous abordé de la même façon ». « Les groupes déjà centralisés ont initié leur projet prioritairement sous l’angle de la qualité des données. Les groupes mutualistes ont plutôt abordé les travaux sous l’angle de la gouvernance, recherchant ainsi une approche homogène pour l’ensemble du groupe » renchérit Renaud Ronchieri, responsable SI Assurance chez KPMG. Il ajoute : « On voit arriver beaucoup d’appel d’offres de mutuelles qui demandent actuellement une phase d’assistance sur le projet, ce que nous avions vu il y a un ou deux ans pour les assureurs ».

    Si la réforme n’est pas encore en mesure d’être appliquée dans les délais prévus à l’origine, il est certain que les retards successifs permettent des ajustements pour les organismes, qui peaufinent encore leur préparation. « Le pilier 3 est le chantier de l’année 2012 », prévient ainsi Cécile Gérard, directeur financier et technique du groupe Prévoir.

    Du pilier 1 au pilier 3

    La grande majorité des acteurs se sont avant tout intéressés à la partie calculatoire de la réforme, c’est à dire au pilier 1, pour déjà connaître les niveaux de fonds propres demandés par les nouvelles normes, avant de se pencher sur les autres piliers.
    « Nous avons réellement démarré en 2009 avec l’installation d’un outil pour les calculs de MCR et de SCR » détaille encore Cécile Gérard, « puis nous avons répondu au QIS 5 en 2010 ». Pour autant, les travaux autour du pilier 1 ne sont pas terminés, malgré le lancement du chantier du pilier 3. « La mécanique est acquise, mais tout n’est pas encore au point. Quand nous avons refait les calculs du QIS 5 sur les comptes de 2010, nous avons vu que nous devions automatiser les remontées des informations ‘Solva 2’. En organisation de base de données, ce n’est pas fait » confie-t-elle.

    Pour beaucoup d’acteurs, la période de transition sera encore l’occasion de mise en chantier de certains pilier, tel le pilier 2, qui reste encore à préciser. Cette « tarte à la crème » pour reprendre les propos d’un assureur, souffre du flou qui l’entoure, du manque de précision des mesures pour vraiment être intégré par des organismes qui doivent se pencher sur la culture même de l’entreprise.
    Mais ce pilier 2 illustre parfaitement les problèmes non réglés de calibrage et de définition de points importants, nécessaires pour la mise en œuvre, et qui participent au retard de la réforme.

    Des retards qui arrangent ?

    Des retards de calendrier qui n’arrangent pas forcément tous les acteurs. « Nous voyons deux types de réactions : ceux qui ont beaucoup investi déplorent le décalage car il accroît les coûts considérablement, alors qu’ils sont pressés de rentrer dans une phase de ‘business as usual’ pour alléger des coûts notamment externes » précise Vincent Dupriez, associé en charge du développement actuariat assurance chez Ernst & Young. « Le second type de réactions, les acteurs moins préparés voient ça comme une aubaine pour mieux se préparer. Si la mise en œuvre avait été au 1er janvier 2013, ces organismes auraient été en grande difficulté à cause d’un niveau de préparation très limité, notamment sur le pilier 3 à cause des transformations de process qu’il entraîne. »

    Mais les grands groupes, qui sont en train de faire homologuer leurs modèles internes, profitent également de ce gain de temps. « Nous sommes entrés dans une phase de pré-candidature concrète à l’automne 2010 » explique de son côté Stéphane Le Donné, responsable projet Solvabilité 2 pour le groupe Axa. « Cette phase se matérialise des équipes de l’ACP et des équipes européennes conduites par l’ACP pour venir revoir les différents modules de notre modèle interne. A l’heure actuelle, l’essentiel des modules à d’ores et déjà fait l’objet de revues sur place assez détaillées de la part de l’ACP et des autorités de contrôle européennes. »
    Pour les modèles internes, certains points dépendent des facteurs propres aux filiales et entités à l’étranger. Ainsi, l’ACP coordonne avec les autres régulateurs des revues sur les modules qui les concernent ou sur des points communs à toutes les entités mais qui localement ont une influence.

    De retards en reports, les organismes français se préparent donc à entrer dans Solvabilité 2. La récente information sur une demande de report d’application pour les branches assurance-vie des entreprises, émise selon les uns par l’Allemagne, selon les autres par la présidence danoise, vient encore semer le doute et le trouble pour les entités qui poursuivent, avec toutes les difficultés inhérentes à des projets sans cesse décaler, les grands travaux de la réforme.

    Que pensez-vous du sujet ?