Antennes relais : Désaccord perpétuel au sein de la communauté scientifique sur les effets sanitaires

    M. Alain Gest, député, a organisé, le 6 avril 2009, dans le cadre de l’étude sur les conséquences éventuelles sur la santé de la téléphonie mobile, une audition publique sur les antennes relais http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-oecst/antennes_relais.pdf.

    Ouverte par M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale, l’audition a rassemblé des parlementaires, des scientifiques, des associations et des opérateurs.

    Le Président Bernard Accoyer a souligné le contraste entre la place importante prise par la téléphonie mobile en France et l’inquiétude d’une certaine fraction de la population devant la multiplication des antennes souvent perçue comme anarchique. Alors que des études ont montré l’innocuité des antennes relais, ces inquiétudes concernent le risque de développement de cancers et de troubles fonctionnels, tels que les difficultés d’attention, les troubles de l’humeur ou du comportement.

    Dans ce contexte, le Président Bernard Accoyer a souhaité que la recherche permette d’être à l’écoute des préoccupations de l’opinion et d’y apporter une réponse aussi précise que possible.

    Quant aux responsables politiques, il a estimé qu’ils se devaient de favoriser pleinement « l’information, la transparence, l’explication et la concertation », « avant d’engager toute modification de la réglementation ». En conclusion, le Président Bernard Accoyer a souligné que « c’est au pouvoir politique, seul légitime – et c’est notre honneur – qu’il appartient de trancher et les incertitudes scientifiques – irréductibles – ne doivent pas être le paravent derrière lequel se cachent nos hésitations ou pire, nos lâchetés ».

    M. Alain Gest a rappelé que l’audition s’inscrivait dans le cadre de l’étude sur laquelle l’OPECST l’a désigné rapporteur le 19 novembre 2008 et qui fait suite à une saisine par le Bureau de l’Assemblée nationale. Il a indiqué que son initiative avait également pris en compte la décision du Gouvernement de réunir, le 23 avril 2009, des états généraux sur la téléphonie mobile.

    Dans la première table ronde qui s’était interrogée sur les effets sanitaires des antennes relais, le Professeur André Aurengo, chef de service à l’hôpital Pitié-Salpêtrière et membre de l’Académie de médecine, le Docteur Eric van Rongen, membre du conseil de santé des Pays-Bas et le Professeur Denis Zmirou-Navier, professeur à la faculté de médecine de Nancy et à l’école des hautes études en santé publique, évoquant plusieurs études, ont estimé que les effets associés à l’exposition aux antennes relais étaient soit faibles, soit inexistants. S’agissant de l’électrohypersensibilité, ils ont considéré que les maux invoqués par certaines personnes étaient de nature psychosomatique.

    En revanche, contestant ces analyses, le Docteur Pierre Souvet, président de l’association santé environnement de Provence, a notamment souligné la nécessité de prendre en compte la pollution permanente subie du fait de l’exposition aux antennes relais. En outre, il a cité des études ayant suggéré des effets biologiques.

    Dans le débat qui a suivi, ont notamment été évoqués : l’application du principe de précaution aux antennes relais ; le désaccord au sein de la communauté scientifique sur les études épidémiologiques ; la méta analyse de Kundi et Hutter de mars 2009 et l’opportunité de prendre en compte l’apport de l’épigenèse dans les études sur les ondes électromagnétiques.

    Lors de la deuxième table ronde sur l’adéquation des valeurs limites d’exposition, M. Bernardo Delogu, chef d’unité à la direction générale de la santé et des consommateurs de la Commission européenne, a rappelé que celles prévues par la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 12 juillet 1999, reposaient sur des bases scientifiques destinées à protéger les populations contre les effets thermiques avérés des champs électromagnétiques. La Commission n’envisage pas de les modifier car, d’une part, le comité d’experts indépendants siégeant à ses côtés – le SCENHIR – dans un rapport du mois de janvier 2009 a estimé qu’il n’existait pas d’éléments scientifiques de nature à justifier leur révision, d’autre part, les niveaux d’exposition actuels sont inférieurs à ceux prévus par la recommandation.

    M. Joël Solé, directeur adjoint du cabinet de la ministre de l’environnement de la région de Bruxelles-capitale, a retracé les étapes des débats qui ont conduit cette région à abaisser la valeur d’exposition de 20,6V/m adoptée initialement par la Belgique à 3V/m. Il a indiqué que cette mesure n’entrerait en vigueur qu’au terme d’un délai supplémentaire fixé au 15 septembre 2009, soulignant que l’application du principe de précaution pouvait ainsi être compatible avec le fonctionnement des réseaux.

    Dans le débat qui a suivi, les discussions ont concerné notamment les conditions d’application de la valeur de 3V/m et ses conséquences sur le téléphone mobile, ainsi que la validité des normes recommandées par la CIPRNI (commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants).

    Au cours de la troisième table ronde, consacrée à la question de la gouvernance souhaitable, M. Jean-Marie Danjou, délégué général de l’association française des opérateurs de mobiles (AFOM), a estimé qu’une meilleure gouvernance passait tout particulièrement par la prise en compte des réalités scientifiques et par le renforcement de la concertation dans l’application du principe d’attention à l’égard des populations.

    M. Stephen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’environnement, a plaidé en faveur d’un débat public plus transparent, reposant davantage sur le doute et l’incertitude et débouchant sur des décisions de fond.

    Mme Danièle Salomon, sociologue au centre de sociologie des organisations de la Fondation nationale des sciences politiques, s’est interrogée sur les causes de l’intensité du débat sur les ondes électromagnétiques en France et dans d’autres pays. Pour ce qui est de la gouvernance, elle a considéré que l’une des voies susceptibles d’être envisagées pourrait être l’ouverture de l’expertise scientifique à des non scientifiques en vue d’un travail conjoint.

    Dans le débat qui a suivi, l’accent a été mis notamment sur la nécessité d’un rapprochement accru entre la population et les détenteurs de l’information, l’adoption d’un comportement responsable par tous les acteurs et l’incorporation dans la démarche scientifique d’autres aspects que la science.

    Dans son allocution de clôture, M. Alain Gest a insisté sur la nécessité de d’instaurer un débat apaisé. Il a déclaré que, dans cette perspective, les scientifiques devraient s’efforcer d’établir de nouvelles relations avec les non scientifiques.

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