Justice : l’ancien patron AIG en procès face au gouvernement fédéral

Sauvé en 2008 par les pouvoirs publics, l’ancien patron de l’assureur AIG intente un procès contre le gouvernement fédéral qu’il accuse d’avoir spolié les actionnaires.

Six ans après le sauvetage de fleurons de Wall Street frappés par la crise s’ouvre ce lundi le procès intenté au gouvernement américain par l’ancien patron de l’assureur AIG, qui risque de rouvrir un épisode sombre de la crise financière.

Ce procès, qui se déroulera à Washington, s’annonce comme celui des mesures exceptionnelles prises par l’Etat fédéral pour éviter un effondrement du système financier.

Intenté par Maurice “Hank” Greenberg, 89 ans, l’ancien patron historique d’AIG, il doit se dérouler jusqu’au 18 novembre. M. Greenberg reproche à l’Etat fédéral d’avoir spolié les actionnaires d’AIG, dont lui-même. Il réclame au moins 40Mds de dollars de compensations, selon ses conseils.

L’assureur, qui a fini de rembourser l’Etat et a renoué avec les bénéfices, n’est pas associé à la plainte. Ce procès verra défiler à la barre ceux qui étaient aux premières loges ce fameux week-end du 16 septembre 2008, au cours duquel le gouvernement américain a laissé tomber Lehman Brothers et poussé Merrill Lynch dans les bras de Bank of America.

Retour sur la crise financière de 2008

L’ancien président de la Banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke, et l’ancien secrétaire au Trésor Timothy Geithner, à l’époque président de la Fed de New York, bras financier de la Banque centrale, sont cités comme témoins.

C’est sur leurs témoignages que repose l’issue de cette action judiciaire intentée en 2011 par M. Greenberg, premier actionnaire d’AIG au moment de la crise via sa holding d’investissement Starr International. “L’issue repose aussi sur la crédibilité du témoin Greenberg“, estime auprès de l’AFP Jacob Frenkel, ancien procureur fédéral.

M. Greenberg a dirigé AIG pendant près de 40 ans et en a fait le numéro un mondial de l’assurance. Il a été poussé à la démission en 2005, dans la foulée d’une enquête liée à une fraude comptable pour laquelle il n’a finalement pas été condamné.

Il a aussi fait d’AIG un groupe opaque du fait de ses ramifications multiples et qui est devenu l’un des symboles des excès de la finance. C’est le département des produits financiers, notamment la filiale londonienne AIG Financial Products, qui a conduit l’assureur au bord du précipice. Cette filiale avait pris des risques sur des produits dérivés liés aux crédits immobiliers “subprime”, qu’elle dissimulait via des artifices comptables.

AIG ne doit sa survie en septembre 2008 qu’à des injections de fonds publics à hauteur de 182Mds de dollars sous forme de liquidités et de garanties. En échange, l’Etat avait nationalisé le groupe en prenant 79,9% du capital.

La Fed défend son intervention sur fond de risque systémique

Pour la Fed, “un effondrement désordonné d’AIG aurait aggravé l’état de fragilité dans lequel étaient les marchés financiers et conduit à des taux d’emprunt trop élevés, cela aurait affecté de façon importante les ménages et l’économie” américaine.

S’il ne le conteste pas, M. Greenberg souligne toutefois que l’Etat a fait payer à AIG des taux d’intérêt et des commissions élevés. L’Etat fédéral a imposé des conditions pénalisantes aux actionnaires pour avancer 85Mds de dollars en 24 heures, plaide-t-il dans les documents judiciaires.

Le gouvernement fédéral a-t-il exigé des actionnaires d’AIG de lui céder tous leurs droits avant d’aider le groupe ?“, telle est la question centrale de ce dossier, selon M. Greenberg. Si c’est le cas, une telle requête, fait-il valoir, viole le Cinquième Amendement de la Constitution américaine qui interdit de réquisitionner un bien ou une propriété privée sans une juste indemnisation.

L’image de la finance au coeur du procès

Lors du sauvetage, nombre d’actionnaires se sont retrouvés quasiment ruinés puisque leur part a été diluée et ils ont perdu entre 80 et 90% de leur investissement. C’est cette opération qui a conduit à la création du fonds de sauvetage fédéral TARP.

Selon le Trésor, l’équivalent du ministère français de l’Economie et des Finances, ce sauvetage s’est soldé par un gain de 22,7Mds de dollars pour les pouvoirs publics. Le gouvernement américain espérait que cette plainte ne déboucherait pas sur un procès. Une première démarche avait été classée sans suite par un tribunal de New York.

Une issue favorable à M. Greenberg viendrait renforcer le sentiment d’impunité des fleurons de Wall Street largement répandu dans l’opinion américaine.

New York, 29 sept 2014 (AFP)

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