Chronique : Comment S&P note les assureurs Takaful (1ère partie)

Cette chronique de Gwénaëlle Gibert, Associate Director Insurance chez Standard and Poor’s, revient sur la façon dont l’agence note les assureurs qui commercialisent des produits respectant certains critères religieux, et notamment la loi islamique.

La note de solidité financière d’un assureur est le reflet de notre opinion sur sa capacité à respecter ses engagements financiers envers ses assurés.

Nous estimons que les principes fondamentaux sous-tendant la qualité de crédit des assureurs et réassureurs sont les mêmes qu’ils soient des assureurs traditionnels, des mutuelles, des coopératives ou opérant sous les principes de la loi islamique (“charia-compatibles” ou Takaful). La note de solidité financière dépend notamment de l’adéquation des fonds propres de l’assureur et de sa position concurrentielle. Elle reflète également la qualité du management et de la gouvernance, ainsi que les pratiques de gestion des risques (ERM).

Lorsque nous analysons la solidité financière d’un assureur Takaful, nous considérons que la structure et les mécanismes mis en place pour permettre la conformité à la loi islamique font partie de notre appréciation générale du management et de la gouvernance. Le contexte religieux n’a pas d’impact sur notre opinion de la solidité financière.

Les principes de la finance islamique incluent notamment l’obligation de partage des gains et pertes entre l’investisseur et le gestionnaire. En assurance, l’assureur a obligation de verser une partie des bénéfices aux assurés, alors qu’en cas de perte technique, l’assureur renfloue le fonds des assurés à travers un prêt “à taux zéro” remboursé sur les profits futurs. Ceci donne lieu à une structure de compte complexe avec séparation de fonds des assurés et celui de l’assureur. L’assureur opère ainsi en tant que gestionnaire d’un fonds commun pour le compte des assurés (ou participants). Il se rémunère généralement à travers des commissions de gestion administrative (ou “chargements wakala”) ou des commissions de gestions financières (“chargements mudharaba”). Le prêt à taux zéro est quant à lui désigné de “qard-hasan”.

Nous nous formons alors une opinion sur le bon fonctionnement de ces mécanismes et vérifions qu’ils ne réduisent pas la solidité financière de l’assureur. Tout dysfonctionnement apparent serait alors pris en compte dans notre analyse de la qualité de la gestion et de la gouvernance.

Enfin, lorsque nous menons ces analyses, nous reconnaissons l’importance des assureurs Takaful dans certains marchés, et en particulier au Moyen-Orient et en Asie. Nous reconnaissons aussi les avantages – ou les risques associés – d’une telle approche éthique, aussi bien en termes de réputation que d’accès à de nouvelles activités (assurance vie ou « Family Takaful ») ou même éventuellement, la bonne volonté des autorités règlementaires vis-à-vis de ces assureurs.

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